Max Payne, pourquoi tant de peine ?Les films inspirés de jeux vidéos, toute une histoire… à oublier fissa. Oui, à chaque critique de film, on radote toujours les mêmes choses. Mais depuis quelques temps on a dénoté un léger changement chez les adaptations cinématographiques de jeux vidéos.
Avec Silent Hill et sa retranscription visuelle réussie mais hélas maigre de tension, de solitude et donc d’intérêt sensationnel ou lyrique. Ainsi qu’avec Hitman où nous avions droit à une ré-appropriation du personnage pour un film d’action de qualité, bourré de clin d’œil d’effets de style propres au jeu et qui nous narrait une sorte de préquel bourré de potentiel.

Et là, nous avons Max Payne qui a surgi avec une jolie promotion qui pouvait espérer d’une troisième adaptation acceptable.

Image Max Payenne…

Le long-métrage est sorti il y a déjà deux semaines au Cinéma, mais devrait toujours être projeté dans certaines salles et puis il fallait bien écrire un papier dessus.
Comme affirmé dans l’introduction, la promotion de Max Payne fût réussi puisque l’on nous a bourré de clichés visuellement très proches du jeu de Remedy.

Le film en lui-même confirme cette bonne appropriation visuelle. En ville, sous la neige, Wahlberg en Max Payne, tête baissé, seul dans des ruelles merdiques, parfois en croisant un ou deux junkies dans les chiottes d’un night-club bourré d’effets lumineux masquant la désolation des décors extérieurs.
Coupez le son, vous êtes bien dans l’univers Max Payne.

Plus qu’une simple illustration, le New-York filmé par John Moore fait passer des sensations de désolation principalement au travers de l’utilisation -clichée mais issue du jeu- de la neige ou de la pluie battant tout le décors et formant naturellement un joli filtre devant l’objectif. D’ailleurs, formellement, il n’y a pas vraiment de cohérence, on sera frappé de voir que dans une même journée, nous avons une séquence de neige, suivi peu de temps après de pluie mais c’est un choix stylistique, qui est certes totalement gratuit mais en concordance avec ce qui se dégage de Max Payne (du moins dans les scènes extérieures).

Évidemment, Max Payne, il est seul, il est triste, donc tous les décors sont gris ou marrons, même le bureau de Max est dans la totale obscurité à se demander comment il trie ses papiers… Ok ok, c’est pas cohérent, mais au stade de notre critique, on se dit que Moore a peut être pris ce projet comme un exercice de style, donc on se dit que caméra à la main c’est plutôt réussi (et accessoirement merci aux différents chefs déco), c’est donc tout un univers assez froid mais néanmoins attirant qui se dégage sous nos yeux et on peut clairement dire que le travail de photographie est clairement réussi et est en adéquation avec l’univers du jeu. On y est.

…Mais scénario Max Païen

Malheureusement, vous avez dû vous en doutez au ton de ma syntaxe, il y a revers de médaille à voir autant de souci dans réussir le copié-collé des décors.
Le scénario est tout bonnement ridicule. Du moins, dans un premier temps, mal narré, mal mis en scène et dans un second temps, très involontairement drôle, soit pathétique.
Comme chacun sait, Max Payne était un bon inspecteur quand sa femme et son fils ont été tué par des junkies lors de son absence dû au travail. Alors que dans le jeu, il veut se faire justice lui-même d’emblée, dans le film il mute dans un autre service (dans son bureau sombre qui pue la pisse) jusqu’à ce que l’homme soit amené au travers d’une enquête de routine à buter les responsables du meurtre de sa famille.

On va être clair dès le début. Il n’y a absolument aucun travail dramatique autour de ce Max Payne. La narration y est d’une linéarité affligeante. Alors qu’il y avait moyen de travailler à base de flashbacks et flash-rewards pour faire comprendre tout seul les tenants du scénario au spectateur, on apprend l’histoire de Max Payne au travers d’un dialogue anodin entre deux flics décentrés de la caméra… Genre « ah merde faut expliquer de quoi on parle ah bah on va inclure un commérage entre deux flics ». Dans ce cas là, on pense non seulement à notre petite gueule de joueur qui se dit que tout le drame y est passé aux oubliettes, malgré la présence (tardif) d’un flash back relatant ce drame… Drame édulcoré en images en plus. Mais imaginez, le spectateur qui veut juste voir un bon policier, on lui balance, on l’assiste en narrant un drame familiale en deux secondes via un bruit de couloir… Si le but du projet était de monter un film policier réaliste, ce serait évidemment une façon comme une autre d’amener le sujet. Mais là on parle tout de même d’un jeu vidéo, donc très stylisé qui s’inspire, dans son traitement, à la base de comics books.

On sera donc assez déballé par tant d’indélicatesse, par tant de grossièreté de mise en scène à propos d’un des moments les plus dingues du jeu vidéo…
Et d’un point de vue narratif, comment expliquez-vous une croisade personnelle si vous n’en narrez pas (ou mal) sa cause ?
C’est difficile, n’est-ce pas. Et pour cause, l’enquête de Max Payne n’a rien d’une vendetta personnelle, du moins en images.
Primo, quand vous aurez compris « pourquoi » sa femme a été tué, vous serez un peu sur le cul par tant d’imbécilités. Car, on ne parle pas de junkies et de trafique de drogues où l’argent sale sert au monde politique comme dans le jeu original. Non, c’est juste un business « bien monté » du genre « on vous ment », comme c’est souvent la mode à Hollywood.
On ne nous montre donc pas un monde dépravé, sale et pourri, juste un petit business à la con avec un ou deux crapés pour la forme… Le fond, lui, est dérisoire.
On peut parler de « scénario propre », tellement propre, tellement nettoyé à l’éther qu’il en reste trois lignes qui ne collent pas avec le monde de Max Payne.

Vous avez vu dans les bandes-annonces, la présence de démons ailées. En tout naïveté et espérance, on s’était dit que c’était une métaphore pour exprimer les peurs de Max… Bah pas du tout, c’est une hallucination liée à la fameuse drogue du film. De suite, ça a moins de gueule et on se demande bien l’intérêt, à part pour tenter de créer « une belle image ».

Boulette time

C’est donc un scénario aseptisé qui n’arrive même pas à mettre sur pellicule au moins la seule scène du jeu (le meurtre de la famille Payne) que l’on a sous les yeux.
Mais il y a un bon travail visuel. Peut-être alors que le scénario éclipsé est là pour laisser place aux terribles gun fights sous effet bullet time et amphet’ le long du film ?

Que nenni. Les phases de gun fights sont très rares, nous avons une escapade et une fusillade final qui ne ressemble hélas pas à grand chose, tant le réalisateur y a mis peu de punch, peu de dynamisme, peu de puissance de cadrages. Le peu de gun fights se résume à du travelling au ralenti pour la plupart et quand on parle de ralenti c’est bien ralenti. C’est pas un effet de style lié à la cassure entre le dynamisme de l’animation et son extrême temps gelé en une seconde…
Effectivement, il n’y a aucun travail de rythme dans ses fights, pas d’enchainement, pas vraiment de chorégraphie, c’est… prévisible alors que justement Max Payne est tout sauf prévisible. La scène final se passe dans un bâtiment quasiment vide pratiquement en ligne droite.
Qu’est ce qui vous a frappé dans les actions de Max Payne ? Je sais pas mais les scènes dans le motel où les ennemis te surprenaient et qu’il fallait déclencher « intelligemment » le bullet time faisaient partis de ce genre de trip d’action. Ou à l’inverse être dans cette maison de luxe (premier volet) avec énormément d’espace mais hélas beaucoup d’ennemis et donc propice à un superbe travail chorégraphique.
Mais nous n’avons rien de tout ça. Les fans d’action seront déçus.

Le reproche n’est pas d’avoir foirer les gun fights. C’est qu’il est clair que le film se basait sur le côté « enquête » solo de Payne, d’ailleurs le héros est même censé être poursuivi par ses co-équipiers, dans ce long-métrage… Il n’y a même pas cette idée de tension entre « être traqué et être le traqueur » alors que le contexte amenait clairement ce thème. Il n’y a pas non plus de surprises dans cette enquête puisqu’on l’a dit plus haut, la narration y est linéaire.
Bref, il est clair que le but était le côté « enquête ». Ce qui pouvait être un joli parti-pris, puisque résumer Max Payne à son bullet time est assez déprimant à entendre, vu le background tout autour.
Et voilà le truc donc, l’aspect enquête est ridicule tant dans la forme que le fond. Mais aussi, ce que pouvait sauver le film : de l’action bête et méchant, est aussi mal réalisé puisque sans travail de rythme, rythme temporel mais aussi de cadrage ou de mouvement de caméra.

On apprécie pourtant la présence de Mark Wahlberg mais l’homme est tombé sur un réalisateur peu capable de le mettre en valeur.
Wahlberg joue en étant froid, impassible, presque sans réelles émotions mais en même temps quel intérêt si ses scènes sont plates et sans réel enjeu dramatique ?
Mark Wahlberg remplit correctement son boulot, mais mal mis en scène c’est tout. Et c’est dommage, car il s’agit d’un bon choix. Quant aux reste des personnages, ils sont clairement dépendant du scénario bas-de-gamme et peu mis en avant… On ne les retiendra donc pas. C’est quand même sympa de revoir O’Donnel, m’enfin on ne regarde pas un film pour un acteur qui joue pendant 15mn à tout cassé.

Max Payne est donc clairement un film médiocre. Oh, on ne fait pas la fine bouche. Mais, aucune idée y est exploitée… D’ailleurs, la principale idée originale est à jeter tant elle est peu crédible et fait perdre toute cette idée cynique que le monde des politiciens est indestructible, malgré le combat acharné (sacrifice ?) de Max dans le jeu vidéo. Le scénario a ici une cause claire et nette. Le meurtre de sa femme a un motif, il est donc nettement moins horrible et finalement trop « justifié », trop « rationnelle », bref des termes cliniques qui n’ont rien à voir avec l’univers irrationnel de l’univers du jeu. D’ailleurs la mise en scène du flash-back du meurtre est assez guimauve avec un filtre de couleur orange, très chaud et reflète bien peu d’émotions tant le réalisateur a tourné ça d’une lenteur assez agaçante, tout en évitant de trop montrer l’action. Max Payne est pourtant un jeu cru et au sens propre, violent… Mais on l’avait dit en news, il fallait une classification PG13 pour appâter plus d’entrés… Pitoyable, mais même sans ça, il y a trop peu de travail de fond pour vanter cette adaptation. Dommage car on soulignera un Mark Wahlberg crédible dans le rôle, et un travail de décors sombres très graphique et sympathique à se plonger. Mais c’est trop peu.