Un jeu pas comme les autres…Fer de lance de la deuxième génération de jeux PS3, Heavenly Sword a fait baver tous les joueurs depuis son annonce à l’E3 06 de part son travail visuel. Puis petit à petit, l’attente s’est moins ressentie pour une raison x… Le jeu est enfin sortie et le moins que l’on puisse dire c’est que nous sommes bien loin des jeux stéréotypés qu’on bouffe depuis pas mal de temps !

Un jeu théâtral !


Le studio indépendant de Ninja Theory avait fait savoir lors des diverses présentations de Heavenly Sword que leur but était d’avoir l’impact et l’ambiance d’un film cinéma, je vous passerais les détails car les vidéos, making-of et interviews foisonnent sur ce soft… Mais voilà l’idée était d’avoir un jeu cinématographique. Jusque là rien d’extraordinaire… Mais quand de suite, on vous annonce que Andy Serkis (Gollum du Seigneurs des Anneaux et King Kong) travaille sur le projet mais qu’en plus il ne fait pas que « prêter son corps » pour la motion capture mais est aussi « directeur du jeu d’acteur »… Ouuh ça sent l’ambition là… Décortiquons ça de plus près si la forme et le fond correspondent…

La légende dit que lors de l’année du cheval de feu, un guerrier apparaitra détenteur de la Heavenly Sword et combattra les forces du mal et rétablir la paix… Jusqu’alors c’est un clan fermé qui s’est occupé de garder la Heavenly Sword des convoitises… En particulier, celle du Roi Bohan (Andy Serkis)… Ce dernier n’est qu’un tyran qui provoque enfer et damnation sur son passage et veut plus que tout cette épée légendaire… L’histoire en temps réel débute lorsque vous êtes assiégiez par ce maudit Roi, s’en suivra alors une course pour protéger l’épée et son clan… Et ce quelqu’un c’est Nariko (Anna Torv), celle qui fût lors de l’année du cheval de feu… A cause de son sexe, la déception du clan céda à la haine envers celle qui est censé les sauver…

Vous remarquerez qu’à chaque nouveau nom énoncé, je met entre parenthèse le nom de l’acteur… Si dans le temps, le soi disant acteur n’était là que pour doubler, avec Heavenly Sword nous avons franchi un nouveau cap dans le jeu vidéo spectacle ou théâtral ou cinématographique (appelez-le comme vous voulez) car absolument tous les protagonistes de cette histoire ont été joué par des comédiens de théâtre. Quand on dit jouer c’est qu’ils ont composé leur personnage comme une pièce ou un film, bourré de capteurs pour la motion capture, les développeurs ont pu alors gérer tout ce travail de composition pour l’appliquer à leurs canons en 3D polygonales. Tout ce travail titanesque et nouveau nous a permis de jouir d’un jeu des personnages tout simplement bluffant de crédibilité !
C’est tout un travail d’intonation, de gestuel, de regard et sensation que l’on perçoit en premier lieu chez Heavenly Sword… Jamais un jeu vidéo n’avait réussi à tenir une frontière aussi fine entre le jeu vidéo et la comédie !

Ce travail de composition aussi excellent soit-il de par sa justesse ne serait rien sans un travail de qualité des personnages… Sachez de suite que le jeu ne se veut ni réaliste, ni subtil. En effet, nous avons une brochette de personnages très excentriques sans pour autant stéréotypés, des personnages au design très franc, très personnel et poussé jusqu’au bout n’ayant pas peur du ridicule… J’en veux pour preuve le trio de boss qui accompagne le Roi Bohan : une femme serpent qui ne cesse de se la jouer en parlant avec des « ssssssss », un gros gars avec des bourlets tellement énormes que Bibendum passerait pour un clou portant sur le dos une carapace de blatte et un débile à la voix grinçante et énervante avec des ailes de métal… Pour le coup, les développeurs ont voulu avoir un background fort et directement prenant pour que laisser place à l’action à 100%. Quand nous parlons « d’action », nous parlons en « évènements narratives ». Certains trouveront ça kitsh mais en fait nous avons là un choix délibéré pour que le peu de persos présents aient une personnalité suffisamment forte pour laisser aux acteurs la liberté d’imprégner une forte humanité. Et ça marche.
Ca marche surtout pour le duo Nariko/Bohan. Les deux ont des rôles bourrés d’énergie et des tons très variées. Ainsi, nous passons du sarcasme à la colère, puis à la douceur avec une facilité déconcertante. Chose tout bonnement innovant et (enfin) totalement new-gen que l’on ne pourrait pas retrouver sur le trio PS2-Xbox-GC.

Un gameplay unique tout en rythmique

Heavenly Sword ne se résume fort heureusement pas à sa direction artistique mais jouit d’un gameplay encore inexploité dans le jeu d’action. Si certains ne vont pas savoir le prendre entre God of War et Ninja Gaiden, d’autres vont savoir le prendre comme un style à part et je vais vous inciter à bien le voir…

Premièrement, le jeu n’est absolument pas un God of War féminin. On a entendu ça partout dans la promo et même après les premières critiques (dois-je vous rappeler ce qu’est une critique et que ça ne se résume pas à dire « hou c’est caca » ?) mais non. HS a un style propre à lui. Contrôlant Nariko, vous avez, avec la Heavenly Sword (dispo au chapitre 2) trois styles d’attaques : normal (équilibre entre la vitesse et la force), à distance (très rapide mais faible) et rapproché (lent mais très puissant). Par défaut, vous avez le normal mais en laissant une pression soit sur la gâchette L1, soit sur R1 vous passez soit en rapide, soit en force. Vous avez ainsi des combats très souples et surtout modulables avec une facilité et rapidité au service du spectacle. Pour ce qui est de la garde, c’est très intéressant puisqu’il ne faut toucher à aucun boutons pour que Nariko se protège… Ceci nous force à ne pas bourriner comme un gros boeuf (genre GoW que j’aime aussi hein) et à jouer en rythme et avec lucidité pour anticiper l’ennemi. Les attaques ennemis sont repérables avec leur aura… Quand vous en voyez une, cela veut dire que l’ennemi est en train de préparer son attaque. Si l’aura est bleu, vous pouvez rester en garde « normal », si elle est orange » soyez en garde « rapproché » et si elle est rouge, esquiver avec votre deuxième joystick. C’est tout un travail de rythme qui est à prendre, surtout si vous avez la possibilité de contre-attaquer si vous appuyez sur « l’attaque forte » au moment où l’ennemi rentre en contact avec vous… Enfin, vous avez une attaque spéciale qui tuera instantanément l’ennemi ou ceux qu’il y a autour.

Ca c’était la première chose à savoir. Ce dernier paragraphe était chiant et formel mais au moins vous savez clairement que HS n’a rien à voir avec les deux références du genre beat’m all.
La deuxième chose est plus artistique. La force de HS n’est pas de sentir une puissance divine à la Kratos ou de la technicité irréprochable à la Ryu Hayabusa… Mais HS mise tout son système de combat sur la chorégraphie variée et dynamique. C’est une foutue maestria visuelle dont on est le maitre qui est le coeur du gameplay du jeu. Des enchainement très très variés qui se jonglent avec « carré » et « triangle » et les trois styles de combats, sans compter les attaques spéciales mises en scène avec des caméras extrêmement dynamiques, tantôt très lointaine quand il y a surnombre et vous êtes là à appréciez au loin des ennemis qui volent à quinze mètres, tantôt vous avec une vue extrêmement proche qui mettra en avant le jeu souple de Nariko qui fera virevolter l’ennemi de mille et une façons. Nous avons une espèce de pot pourri de mouvements superbement chorégraphiés et mises en scènes, tout cela sans nuire à la visibilité du jeu. Toujours dans une optique de comparaison, votre plaisir à GoW était d’effectuer des enchainement puissants ; votre plaisir à NG était de réaliser des enchainements efficaces et techniques ; et maintenant à Heavenly Sword, vous vous devez de faire des enchainements spectaculaires et harmoniques… Le système de combat est tout simplement à part de ce qu’il se fait déjà. Pour en profiter pleinement, il va falloir vous mettre dans la tête que c’est nouveau et qu’il faut changer vos habitudes.

Et si je vous dis que nous seulement le rythme est visuelle mais aussi physique ? Ce doit être la première fois que la Sixaxis est bien incrustée… Dans les scènes de combat, des secousses de la Sixaxis vous permettront de ne pas tomber et de vous accrocher in-extrémis à vos ennemis à l’aide de vos chaines, le tout évidemment jouissant d’une animation succulente et sans se forcer… C’est aussi une façon de s’impliquer un peu plus dans les combats et de varier les types d’actions. Si vous regrettez l’absence d’un bouton « saut » car c’est plus facile, il va falloir utiliser les combos aériens qui eux aussi se manipulent avec une secousse verticale du pad, l’héroïne poursuivra ainsi son opposant…
La Sixaxis sera aussi utilisé pour des scènes de projectiles. Soit ce sera l’arbalète de Kai (Lydia Baksh), soit un boulet de canon, soit une rocket. Dans ces trois cas, vous devez shooter des ennemis avec précision et pour cela, vous passez en vue subjectif derrière le projectile lancé et vous le dirigez en bougeant votre pad pour affiner sa trajectoire. Si ça devient peu crédible de faire faire des virages à 180° à votre flèche, j’ai envie de vous rappelez que 1-le soft ne se veut pas réaliste et 2- ses phases in-game sont là pour son côté ludique… Bref, c’est franchement assez amusant de claquer des head shot ou de faire passer votre flèche dans du feu pour inciter faire exploser des bariles… Qui plus est, ces phases ne sont jamais gratuites puisqu’elles s’incrustent dans la narration du soft, jamais vous ne verrez ces phases remplacer les combats… Ce sont des intermèdes bien sympas et plus reposant qu’autre chose.

Une nouvelle étape du jeu vidéo…

Si les deux premiers paragraphes laissent passer un sentiment innovant, leur force est bien plus grande quand elles sont rassemblées dans une narration et un déroulement uni. HS a cette force de pouvoir réunir intelligemment du jeu, du pur jeu à de la composition cinématographique sans aucun temps mort. Je vous rappelle que le but des développeurs étaient de créer un jeu très théâtral. Mais comme disent les vieux (joke) : « un jeu, c’est fait pour jouer bon dieu de bonsoir ! ». Bah ouais papy c’est ça mais quand ce jeu est rythmé par de la mise en scène digne d’une comédie (cf. votre dico ; ça ne veut pas dire que c’est drôle…), ça nous donne une foutue histoire interactive dont on est le héros. Cette problématique existe depuis bien longtemps et des jeux comme MGS et Fahrenheit l’ont déjà abordé avec succès. Mais là, nous avons encore autre chose, une toute nouvelle étape du JV que l’on ne pouvait trouver avant. Tout le déroulement du jeu est conditionné par le scénario, on a plus l’impression d’être acteur du script, que manipulateur de ce scénario… Nous, joueurs, sommes impliqué directement dans l’histoire sans que l’on ait un minimum de contrôle (l’anti-thèse de Fahrenheit donc). Ce qui va pouvoir être frustrant chez certains. Cette idée de ne pas avoir de progression et d’être trop lié à l’histoire et donc d’enchainer des séquences pré-écrites et non une liberté de mouvement. Ca ne veut absolument pas dire que c’ets mauvais. Ca veut dire que les développeurs ont privilégié l’action condensé mais justifié plutôt que de prendre le risque de disperser l’histoire avec une trop grande liberté. Dans ce contexte, nous ne faisons pas avancer l’histoire par nos gestes (comme tous les jeux jusqu’à maintenant) mais l’histoire nous fait avancer dans le jeu… Attention, vous jouez plus que regarder (cf. un certain jeu de serpent) hein ! Mais le déroulement du soft est en fait ni plus ni moins la narration… Cette histoire qui est extrêmement courte nous impose un timing hyper serré mais dynamique nous plongeant directement dans le jeu ! Ajoutons à cela, le travail de caméra excellemment bien géré lors du in-game digne des films de Tsui Hark, et vous avez un ensemble uni entre le côté filmique et le côté jeu puisque quoi que vous faisiez les deux sont là…

Quand vous vous battez, la mise en scène rappelle le Cinéma et quand vous avez des cinématiques, les séquences de QTE rappellent le jeu. Même le menu est un élément de l’histoire puisque vous y voyez Nariko parler à la Caméra (épée) et est dans son fort intérieur… Tout ça sert de lien et nous apporte une nouvelle forme de narration vidéoludique encore inexploitée jusqu’alors.

Mais il y a un piège… Le scénario est hélas trop succinct. On nous décrit une bataille entre les forces du Roi Bohan et le clan de Nariko… Nous n’avons pas réellement le temps d’avoir une forte attache aux persos (expliquant ainsi pourquoi nous avons des persos au caractère si trempé pour avoir donc plus d’impact et donc plus de prestance sur le court terme). Mais non seulement le scénario manque d’envergure mais si je vous ais montré par a+b que le jeu est intimement lié au scénario… Alors qui dit « courte histoire », dit « court jeu ». Il ne faut que 6H de jeux (voir moins, voir plus tout dépend) pour terminer cette histoire. C’est court même si c’est le genre d’expérience que l’on peut vivre et revivre comme on veut (surtout qu’il y a des bonus à débloquer) m’enfin ça reste très court, même pour le genre. Et si le scénario est aussi très court, cela peut peut être vous empêcher de vous laisser « envahir » disons, mais ce rôle est tenu par le jeu d’acteur. Il manque juste à ce jeu un scénario réellement impliqué, ceci aurait permis plus d’attirance pour le joueur mais aussi une plus grande durée de vie. Juste un seul défaut qui fait passer le jeu de « culte » à « excellent concept ».

Avec tout ça, on a zappé l’aspect technique du jeu… Comme quoi… Evidemment, tout ce concept de « jeu théâtral » fonctionne énormément grâce à une qualité graphique tout bonnement phénoménale et bluffant, que ce soit pour la qualité de la lumière, de la profondeur de champs, des ennemis en surnombre et surtout, le travail des visages qui sont d’une excellente crédibilité… De ce côté là, on atteint un nouveau palier qualitatif.
Ajoutons à cela une qualité sonore divine que ce soit au niveaux des musiques d’orchestre épiques et élancées, ou des bruitages avec les chaines, les impacts. Mais évidemment la mention revient au doublage original qui est d’une excellente justesse émotionnelles mais aussi d’une force de caractère étonnant pour un jeu vidéo. Même si Anna Torv (Nariko) insuffle énormément de charisme (je dis « charisme » et non « classe » qui est réservé au visuel) à son personnage, la mention revient à Andy Serkis dans son rôle du Roi Bohan en personnage complètement fou, instable et colérique.

Heavenly Sword fait partie de ces jeux qui deviendront avec le temps des références. Son découpage narrative si particulier, son jeu d’acteur tout bonnement impressionant et son travail dynamique de la mise en scène font de ce soft un jeu précurseur dans la narration d’un jeu… Jamais un jeu vidéo n’avait un déroulement et une direction artistique aussi poussé, flirtant autant avec le cinéma jusqu’à clairement prouver que genre de « jeu cinématographique » pouvait aller bien loin dans le plaisir sensoriel d’un jeu vidéo.
C’est le genre de jeu qui bousculera vos habitudes de jouabilité mais aussi vos habitudes oculaires… Et forcément, tout ce qui demande à changer nos habitudes ne fonctionne pas vraiment avec la majorité… Mais, si vous vantez l’innovation, vous devez tirer votre chapeau à ce soft, même si vous n’appréciez pas ou peu.
Verdict
+ Les plus- Les moins+ Le concept de « jeu cinématographique » poussé très très loin
+ Jeu d’acteur innovant et impressionant
+ Gameplay original jouant sur le rythme
+ Mise en scène globale (in et out-game)
+ Chorégraphie des combats
+ Doublage original
+ Musiques épiques
+ Graphismes à tomber
Le mot de la fin
Le jeu qui aurait pu devenir une bombe incontestable flanche à cause d’un laxisme envers le scénario trop court, léger et peu profond. A cause de sa narration terriblement innovant flirtant avec le cinéma et le Jeu Vidéo, la durée de vie pâti du scénario… C’est en fait le seul défaut du jeu.

On ne va pas répéter le test mais Heavenly Sword bouleverse tous nos codes de narration, de gameplay et de mise en scène ; à un point où il va falloir casser vos habitudes si vous voulez appréciez ce jeu à sa juste valeur. Prenez le comme un God of War et vous êtes complètement à côté de la plaque…

Le piège de Ninja Theory est d’avoir été énormément en avance sur son temps pour nous proposer une telle direction artistique, un tel gameplay chorégraphique (et non bourrin (GoW) ou technique (NG)) et évidemment une telle alchimie entre le jeu et le scénario pour nous proposer un réel jeu cinématographique qui forme un ensemble uni et non un soft morcelé de scènes cinématiques… Bref, Heavenly Sword est conceptuellement culte mais à cause d’un seul défaut il en devient un jeu instable car ne met pas tout le monde d’accord sur ces nouveaux codes visuelles et gameplay et rate le coche en ce qui concerne le scénario impliquant donc une durée de vie trop courte pour donner le temps au joueur de s’imprégner de ce jeu novateur.

Une trilogie est -normalement- en projet, on espère que le studio poussera encore plus loin leur vision du jeu vidéo et gommera les quelques défauts, histoire de mettre tout le monde d’accord.