Un prototype de jeu ?Prototype, on l’a suivi de très près depuis son annonce en août 2007. A l’époque, le studio « main courante » de Sierra, Radical Entertainment se lançait enfin dans une expérience originale après des Crash Bandicoot et des adaptations Marvel.
Attention, ce n’était pas rien. Narrer les aventures d’un être amnésique capable d’absorber tout élément vivant ainsi que leurs capacités spéciales qui est en cavale dans New-York poursuivi par les militaires. Prototype était annoncé comme un gros projet et même une trilogie, rien que ça !
Puis Vivendi racheta Activision et Sierra mourut dans un coin seul. Prototype a été récupéré d’extrême justesse par Activision malgré quelques réticences.
Mais, deux ans après, le projet est en forme et est commercialisé.
Est-ce que ce projet est à la hauteur de son ambition ?


Le perso est aussi confus que le joueur…

D’emblée, vous êtes balancés dans une rue en folie aux couleurs orangées qui va vous servir de tuto. Vous allez vite comprendre aussi que la narration du jeu s’effectue par flashbacks.
Alex Mercer raconte son histoire à un autre individu resté secret surplombant une ville en folie, le 18ème jour de la contamination de 80% de New-York.

Mercer se souvient avoir été criblé de balles en fuyant d’une morgue d’un hôpital secret gardé par des militaires. Et se découvre d’un seul coup des pouvoirs surhumains, il peut courir très vite, sur les murs, faire des bonds de dix mètres de haut et a une force hors du commun. Mais, il ne se souvient de rien. Le joueur est donc tout aussi perdu que lui car tout va très vite : on enchaine en une poignée de minutes un tuto avec des monstres, des militaires qui nous tirent dessus et une populace en folie, puis on se souvient de rien…

Le fait est que tout le jeu est scénarisé par bribes d’infos via des cut-scènes durant même pas une minute où les dialogues sont très succincts et « tac-o-tac ». Tout y est très concis et du coup, les infos sur l’histoire de Mercer ne sont pas réellement vécues… Elles sont justes « mentionnés ».
L’histoire de Mercer est formellement pas franchement passionnante car le perso en lui même n’est pas passionnant avec une voix monotone et une gestuelle très rigide, tout comme ses interlocuteurs de toutes manières.
Ce qui fait, qu’on a beaucoup de mal à rentrer dans cette histoire car tout s’enchaine très vite sans prendre le temps de poser des bases, de faire languir le joueur, de le surprendre etc.
Pourtant, le scénario indique des fausses pistes, des tromperies, des surprises, des atrocités, des moments forts… Mais le scénario malgré un fond très très intéressant basé sur la crise d’identité, sur la manipulation, la force militaire, les recherches à des fins peu recommandables, tous les ingrédients sont là mais mal utilisés pour nous pondre un suspens haletant et fichtrement rebondissant.

Malgré tout, le passé d’Alex Mercer est raconté par l’intermédiaire des protagonistes secondaires avec un tel ton monocordes séquencé par des cut-scènes de 40 secondes réduites à du champ/contre-champ qu’il nous est impossible de prendre passion à cette histoire de contamination de New-York impliquant un certain amnésique, Alex Mercer qui va lutter pour endiguer le virus apparemment lancé par une certaine Greene, cobaye malheureux, tout en recherchant des réponses sur ses liens avec cette chose qui lui donne autant de pouvoirs physiques et métamorphes.

Le fond est excellent. Mais la forme est catastrophiquement mise en scène où tous les évènements « à rebondissement » arrivent comme un cheveux sur la soupe, sans travail transitoire. Là où on est censé être surpris, on est… Baaah on a pas le temps de percuter en fait.

Multi-pouvoirs puissants

On a donc un peu de mal à se passionner pour l’histoire du héros… Mais, jouer avec est tout de même mieux. Alex va gagner au fur et à mesure de nouveaux pouvoirs. Mais avant tout, sa forme physique est évidemment impressionnante avec une course de pointe prodigieuse, ainsi que des sauts superbement élancés. Les premières sensations sont assez extra, le joueur doit appuyer sur la gâchette pour courir, dès lors, le héros va automatiquement s’agripper sur les immeubles ou éviter les obstacles. Ca peut paraitre barbant comme jouabilité mais la sensation que rien ne peut arrêter votre perso est pourtant bien retranscrite à travers ce procédé. Le fait est que votre perso est bien animé, in-game, il vacille, se démène, saute, par petites percussions, c’est un boulot assez complet de ce côté là et ça aide surtout à lui donner beaucoup d’allure, facilitant alors le plaisir de prise en main.
La gestion des sauts est tout aussi maitrisé puisqu’il faudra laisser appuyer sur votre bouton, le temps de prendre son impulsion. La jouabilité correspond bien aux mouvement du perso, c’est plutôt jouissif de jouer avec un type quasi invulnérable.

Puis, va venir plusieurs armes. Etant un metamorphe, vos mains peuvent prendre la forme de griffes géantes, avant tout. C’est l’arme la plus utilisée les deux tiers du jeu, puis en gagant des points d’expérience en fonction des morts, ou des missions terminées, vous pourrez « acheter » des upgrades ou de nouvelles armes comme une masse ou un fouet. Puis à force d’utiliser une même arme vous débloquer des « achats » pour varier vos attaques. Ces upgrades fonctionnent aussi sur votre forme physique, votre capacité de régénération, votre santé max, vos mouvements de base comme dasher dans les airs ou planer par exemple. Et finir le jeu ne vous amènera pas à gagner tous les upgrades tant il y en a.
C’est le point fort du jeu, les armes et mouvements sont très très variées dont certaines très impressionnantes comme faire jaillir des piques géantes du sol. Très classe et clinquant.
Ces attaques sont aussi très simples à utiliser puisqu’elles se gères avec vos deux boutons d’attaques comme n’importe quel jeu d’action de type « beat’m all », tout en jonglant avec le saut, le dash ou le lock. La jouabilité brute est très simple à prendre en main et plutôt instinctive, permettant bon nombre de possibilités esthétiques.

En revanche, si ces possibilités sont effectivement « esthétiques », les armes secondaires restent dispensables tant leurs effets sont plus négatifs que positifs. Explication.
Toutes les phases d’action du jeu vous entraineront soit, à buter des espèces de molosse gélatineux, soit des militaires armées de tank d’hélico et souvent ce sera les deux d’un coup.
Si vous jouez avec le fouet, il sera trop faible pour les molosses malgré votre « rapidité ». Si vous prenez la masse, vous serez trop lent par rapport aux multiples canons des tanks… Il vous reste l’arme par défaut, la première : les griffes (plus tard vous aurez une grosse lame qui sera plus puissante reléguant toutes les autres armes aux chiottes).
Donc, pour ce qui de la multitude des armes, ça reste purement visuel car concrètement c’est assez faiblement efficace à cause d’ennemis plutôt radicaux dans leur comportement.

Infiltre-toi en bourrant dans le tas

Quand on nous affirmait que l’on serait libre dans New-York, je sais pas pourquoi, on imaginait être dans un truc plus vivant et stressant à se camoufler dans la foule, à traquer en toute liberté les ennemis… Mais en fait, le jeu est très guidé.
Tel un GTA ou plus récemment inFamous, vous devrez aller aux points indiqués sur la map de New-York pour lancer les missions. Et ce sera toujours une seule mission, pas un choix entre deux ou trois. Deuxièmement, pour ce qui est de la traque dans la ville qu’on nous a promis, c’est vrai que les militaires sont à notre poursuite en patrouillant. Mais, il suffit juste éviter de vous métamorphoser devant leurs yeux (donc faire ça sur les toits) pour passer comme une lettre à la poste. Vous pouvez donc défoncer les voitures, atterrir d’un immeuble de 80 mètres devant les militaires tant que vous aurez votre déguisement de mamie Nova, tout baigne vous serez « infiltrés »… Ridicule.
Pourtant, on a des solutions d’infiltration sympathiques comme faire accuser un autre d’être Alex Mercer. J’ai essayé ça dans une caserne de militaires. Les pauvres, ils ont buté un des leurs hahaha… Ahem. Mais concrètement vous pouvez courir sur les murs et voler devant un hélico tant que vous êtes déguisés, on trouvera ça normal.

D’un autre côté, on peut se dire « heureusement » car attention si vous êtes démasqués (et vous le serez), on vous lâche trois tanks au cul et cinq hélicoptères avec missiles et tout le tralala. Heureusement, vous pouvez éliminer les hélicos avec un super coup de pied sauté, très amusant. Mais même ils sont très collant et deviennent de plus en plus chiants.
Ca aurait mérité d’être plus subtil. Surtout quand une mission soit disant d’infiltration vous impose d’être de se dévoilé… Très malin.

En effet, Prototype a la chance de proposer des missions d’infiltration qui finiront toujours par une boucherie sans nom… Quand on nous promettait d’infiltrer les militaires, ons ‘imaginait pas être aussi téléguidés en nous imposant à chaque fois d’assimiler (prendre l’apparence) le chef de la caserne pour ensuite finir par se dévoiler en détruisant un des appareils de l’armée devant toute une garde rapprochée… Superbe discrétion là encore.
Dans ce cas, on passe donc en « phase action » et il est bien là le problème. C’est certainement le jeu le plus bourrin qu’on a jamais vu depuis des années. Une vingtaines de militaires qui vous envoient missile sur missile qui vous fout voler à 15 mètres, sans compter les monstres génétiques qui enchainent des combos sans s’arrêter, on s’en prend plein la gueule provoquant ainsi un rythme haché et surtout très laid à voir.
Les beaux combos du persos passent donc à la trappe quand on essaye de s’extirper d’une grosse bouillis imprécise d’action. Dans ces cas là, on préfère être efficaces, évidemment…
On a l’impression que le jeu a été programmé en pensant naïvement que tout allait collé du premier coup par magie. Ca provoque des collisions improbables et surtout innombrables où mourir bêtement interviendra régulièrement. Si la mission est longue, il y aura des checkpoints, sinon il faudra recommencer.
Même les boss sont extrêmement mal calibrés et consistera à passer en force pour donner trois coups de griffe avant de se faire éjecter en nous balancer pendant 30mn de combat des rochers et boules d’énergie en continue… On ne se fait pas vraiment plaisir quand on a des combats aussi mal gérés ou plutôt ingérables.

Le gros problème vient donc de là. Le jeu devient vite un gros foutoir où ça balance à tout va transformant donc de bons mouvements en attaques imprécises à cause de gros problèmes de collision (encore le phénomène récurrent de la physique lunaire, sans poids) et d’un lock un peu archaïque où il faut sélectionner sa cible en temps réel… Dans le foutoir, on a pas trop le temps de viser.
Si en plus, je vous raconte que les missions sont très chiantes et souvent peu cohérentes, car le héros fait des détours inutilement rocambolesques, apparemment pour justifier l’utilisation de ses pouvoirs… Inutile de dire qu’on s’ennuie quelque peu dans Prototype.

Une 128-bits upscalé

Techniquement, le soft est franchement dépassé. Autant la modélisation globale de la ville fonctionne plutôt bien, sans être extraordinaire en nous proposant des buildings très très haut, en tentant de nous modéliser Central Park (mais on y va jamais, il n’y a pas de bâtiments), même si entre Manathan et Harlem on voit pas la différence. Pas normal. Le problème vient d’un travail de texture très très faible. Qualitativement, c’est plutôt plat, très délavé, très plaqué, même pour représenter une gélatine extra-terrestre qui ressemble plus à de la tache rouillée qu’a du symbiote.
D’un point de vue texture, ça ressemble beaucoup trop à de la 128-bits malheureusement, tout comme certaines modélisations de voitures par exemple ou de passants qui sont très simplifiés, peu articulés et pas bien vivant : ça marche, ça court ou ça s’écarte. Ca ne parle pas, ça ne fait pas de gestes spécifique,s bref, c’est très mécanique.
Il y a aussi une faible profondeur de champs (simulé par un teint grisâtre) et des retards d’affichage de certains détails. Le meilleur boulot a été fait sur les pouvoirs symbiotiques d’Alex nous offrant quelques effets visuels et sonores prenant : du morphing en temps réel avec bruits de succion dégueu’, par exemple.
Les cut-scènes, on l’a dis plus haut, sont succinctes mais surtout dénuées de toutes émotions car sans gros travail de gestuelle, ou de réactions voir même de mobilité, souvent réduite.

On appréciera cependant les fonds musicaux très prenant, très « catastrophe » ou en revanche plutôt mystérieuses avec un soupçon d’entrain qui soulève les qualités d’Alex.
Mais ces ambiances sonores restent assez limités et se fondent aussi aux doublages plutôt froids. Aussi froids que l’expression des modèles en fin de compte.

On pourra aussi pester sur des problèmes de collision dont quelques bugs, mais aussi beaucoup trop de temps de chargement qui renforce cette narration et in-game haché.

Techniquement, Prototype souffre de grosses lacunes, ainsi que des goûts un peu trop standard en terme de character design. Que ce soit les monstres très quelconques ou la tronche des militaires passe partout ou de certains uniformes « high-tec » trop grossiers.

Prototype sent beaucoup trop l’ébauche pour être satisfaisant. Le jeu a un fond scénaristique passionnant, un glossaire de pouvoirs énorme, un principe de morphing offrant de multiples solutions de gameplay. Et pourtant au final, on a jeu très linéaire, à peine mis en scène, très bourrin limite beat’m all dans sa jouabilité et par dessus le marché pas très agréable à l’œil.
Ca n’a pas l’air de sentir le manque de talent quand on voit tous ces principes généreux, mais ça a manqué assurément de moyens pour pousser le concept. D’ailleurs, vu comment ça finit, on peut dire « bye bye la trilogie annoncée ». Allez, avec un peu de chance, Radical aura plus de moyens de la part d’Activision. Espérons-le.
Verdict
+ Les plus- Les moins+ Des pouvoirs diversifiées et élégants
+ Un fond scénaristique à fort potentiel
+ Liberté de mouvements
+ Une forte verticalité assez prenante
+ Prise en main instantanée
+ Un fond sonore sympathique- Un scénario trop mal mis en scène : concis et confus
– Un gameplay finalement ultra bourrin
– Des problèmes de collision
– Une difficulté aléatoire
– Franchement pas bien beau
– Doublages monocordes
– Missions principales ennuyeuses (secondaires : pires)

Le mot de la fin

Prototype avait un énorme potentiel, des concepts fortement prenants, mais au final il a l’allure d’un jeu standard avec des moyens plutôt limitées si l’on en croit ses graphismes en retard de 5ans, son gameplay déséquilibré, ses cut-scènes en images de synthèse de 30 secondes et ses missions dirigistes et inintéressantes…

Prototype aurait mérité plus de moyens. Mais on pourra souligner la belle ambition de cette équipe de Radical Entertainment à qui on refourguait constamment les adaptations de licence.
L’équipe mérite plus de moyens techniques, car les idées étaient là. La forme, elle, est trop fouillis, trop brouillon, trop ébauche… Trop « prototype ».