Le comicbook est désormais une source créative très commune depuis le succès des X-Men au Cinéma. Dès lors, on a réussi à faire passer la culture du comic de superhéros au public large et international. Une aubaine pour les divers producteurs Cinéma et par la même occasion des éditeurs JV.
Mais combien de créateurs ont réussi à extraire l’essence et les codes du comics pour en ressortir quelque chose d’original ? Ils sont bien rares, à part peut être Darkman de Sam Raimi. En jeux vidéo, à part les adaptations de licences bien connues, il y avait quoi ? Comix Zone, peut être sur Megadrive où le héros avançait dans des planches de Bande Dessiné.
C’est très mince.
Il a fallu alors voir SuckerPunch s’intéressait de près au mythe du superhéros pour ainsi nous créer inFamous.

Où ? Qui ? Quand ? Quoi ? Comment ?

Vous êtes Cole, un gars un peu paumé qui survit de boulot de coursier plus ou moins légal. Un jour alors qu’il devait transporter un paquet comme un autre, celui-ci explosa entrainant la destruction partielle de la ville lui dotant d’un énorme cratère et coupant l’électricité des trois îles de la ville.
Des groupes se sont alors rapidement créés pour mettre la ville à saque et imposer leur loi. Pendant ce temps, le gouvernement a curieusement mis toute la zone en quarantaine pour une raison qui nous échappe. C’est la loi du plus fort qui surgit. C’est le chaos.
Cette explosion a transformé Cole en pile ambulante qui peut emmagasiner de l’électricité et la renvoyer. Il devient aussi plus endurant et agile grâce au pouvoir de l’électricité.

Rapidement, il attire les regards et en voulant s’échapper de la zone de quarantaine avec d’autres civils se faisant massacrer par les militaires, Cole se fait capturer et doit accepter un deal avec un agent du FBI. L’explosion est due à une « metasphère », un objet qui a servi à l’élaboration d’une arme mais qui a été volé par un groupe terroriste. Il va falloir la récupérer avant que les terroristes décident d’en faire quelque chose.
Il faut la retrouver mais un seul type peut nous aider. Il a conçu sous la menace à la construire et il s’appelle John.

Contraint d’obéir à l’agent du FBI pour gagner sa liberté, Cole va devoir traverser la ville pour la remettre en état et trouver des indices sur cette affaire. Pendant ce temps, la foule essaye de revivre tant bien que mal… Un symbole pourrait alors les aider à reprendre confiance en eux… Quelqu’un comme Cole…

Le scénario d’inFamous débute sur les chapeaux de roue et nous devons assimiler plusieurs informations d’un seul coup où plusieurs questions restent en suspens.
On pourrait pointer du doigt un côté trop fouillis dans l’avancée de l’histoire puisque on se demandera en cours de jeu « qu’est ce que je me fais chier à aller rechercher un type qui s’appelle John dont je sais que dalle pendant que des milliers de civiles se font buter dans la rue ??? ».
InFamous a quelques légères incohérences dans la mise en forme de l’histoire et qui nous font poser un peu beaucoup de questions. Certains éléments scénaristiques auraient pu être moins condensés et mieux expliqués pour ainsi mieux comprendre les enjeux de l’histoire. Car c’est surtout dans le dernier tiers que tout va s’éclaircir.

Etes vous à clamer ou à craindre ?

Comme tout être humains qui reçoit des pouvoirs, il doit faire face à ses responsabilités et ses priorités. Ou, d’un point de vue totalement manichéen : faire le bien ou le mal ?
Le héros a une jauge de karma qui se module en fonction de vos actions. Il change surtout en fonction de choix scénaristiques cruciaux. Pour ne rien trop dévoiler on donnera que des exemples du début de jeu. Je dois attaquer les militaires pour passer le barrage 1- j’attaque de front et j’attire tous les militaires sur moi ? Ou 2- j’attaque discrètement depuis la foule en colère et ainsi les militaires s’occuperont de la foule me laissant une brèche ?

D’autres actions sont plus subtiles et sans contraintes : blesser un citoyen, vous aurez des points en moins, guérissez le, vous êtres positif. Parfois, en pleine rue on vous interpellera, comme un type pendu par les pieds en train de se faire défoncer par d’autres : l’aider ou « not my business » ?
Tout ça est très intéressant et nous donne plusieurs responsabilités. Mais dans la pratique, la jauge de karma ne change pas beaucoup et est radicale lors des évènements scénarios.
Autrement dit, le choix est vraiment binaire et on épouse totalement le concept de super héros ou supervilain. Jamais on ne pourra être un « anti héros ». C’est à dire un type qui fait le bien mais à sa sauce pas très catholique. Ce troisième choix est impossible.
C’est un peu dommage, on aurait espérer plus de souplesse. In-game, ceci aurait été intéressant, ce n’est donc pas aussi poussé qu’un KOTOR par exemple pour le thème « bien/mal ».

Ceci dit, rien ne vous empêche de faire tantôt des choix « bien » et d’autres des choix « mauvais ».
Sauf que dans ce cas, votre karma ne sera pas très franc. Et comme chaque portion de bien ou de mal est sectionné en trois tiers correspondant à votre barre de vie, il serait plus judicieux d’être franc. De toute manière, vous avez deux fins : bonne ou mauvaise.
Donc, le côté du choix d’orientation est un peu trop binaire, on aurait aimé que ce soit plus subtile et libre. Or, ce n’est pas tout à fait le cas, nous sommes à amener à faire des choix radicaux.

Techniquement loin d’être parfait

Le jeu se veut aussi libre qu’un GTA. C’est le cas. Cole, c’est un mélange de Niko et d’Altaïr d’Assassin’s Creed. Vous allez vous amuser à traverser la ville comme un vrai superhéros à escalader les bâtiments en vous agrippant au moindre rebord, à courir sur les fils électriques, vous servir du train pour vous déplacer à grande vitesse, tout ça avec beaucoup de facilité et d’instantanéité. Le perso s’accroche tel un aimant au relief le plus proche aidant ainsi notre avancée aérienne.
Si ceci s’avère donc très simple mais demandant suffisamment d’activité et de précision dans nos sauts (contrairement à un Assassin’s Creed trop téléguidé), cet aspect « aimant » peut paraitre gênant dans endroits trop étroits où Cole s’accroche là où vous ne voulez pas. Dans les missions en temps limités ou pour vous échapper d’une tonne d’ennemis, c’est un peu gênant… Heureusement, les checkpoints sont nombreux pour vous éviter de vous retaper la mission entière si celle-ci est longue et en plusieurs temps.
On va aussi remarquer que plus on avance dans le jeu, plus les architectures vont devenir grande et où on vous demandera plus d’acrobaties. Et là interviendra un peu plus de bugs de collision assez casse-burnes. Rien de dramatique en soit mais c’est immanquable, où Cole ne s’agrippe pas au poteau, où il passe à travers le décors. Oui oui, malheureusement au cours de l’aventure j’ai la capacité de passer à travers le décors et errer dans le vide intersidérale des données du jeu… Ca s’est terminé évidement en GameOver, mais pas de reboot (ouf). Ainsi qu’un ou deux passages au travers d’un mur à moitié.
C’est évidemment le risque quand on s’en va modéliser une ville entière et inFamous ne fait pas exception à la règle avec quelques accrocs de moteur physique.

Ceci dit, graphiquement le jeu est très propre et est détaillé. Ce n’est pas du nec plus ultra d’un point de vue réaliste, mais ce n’était pas vraiment le but. La direction artistique tend vers un léger côté cartoon dans la gestuelle très élancé des personnages et dans la simplification des visages, tel un comic au final où même le plus réaliste des dessinateurs se doit d’aller à l’essentiel dans sa représentation.
Du coup, l’univers visuel d’inFamous est cohérent et s’accepte très très bien et ne tombe pas dans le cliché du cell-shading pour imiter la Bande Dessiné, mais sait se donner un genre, particulièrement dans les animations et des couleurs assez franches, même si l’ensemble est grisé par la destruction d’une partie de la ville.
Cette patte colorée est retransmise dans les cut-scènes qui sont des dessins fixes animés telles des vignettes d’une Bande Dessiné et sont plutôt pétardantes mais s’incruste bien au jeu, avec fluidité et sans chargement.
Si on ne remarquera pas une jolie cohérence visuelle ente les cut-scènes et le in-game, ceci est justifié par le changement de narrateur. Lors des cut-scènes en BD, Cole raconte les évènements. In-Game, c’est du in situ, pas le temps d’épiloguer, c’est le joueur qui contrôle et donc qui narre.

D’un point de vue sonore, on applaudira la prestation du doubleur officiel du charismatique Peter Krause (Nathaniel de Six Feet Under, Lost Room ou encore Dirty Sexy Money). Sa doublure française est très proche de l’original, surtout d’un point de vue des intonations et c’est justement grâce à ce travail que le jeu en devient très vivant et que Cole devient très très plaisant à jouer. Que ce soit dans les dialogues scénaristiques ou les quelques petites piques d’humour noir in-game. Un doublage, ce n’est pas qu’une voix. C’est une interprétation et celle-ci est très convaincante. Il y a eu une mise à jour pour pouvoir choisir les voix anglaises. Mais j’avais déjà adoré le doubleur de Krause (j’ai pas retrouvé son nom, désolé) que je n’ai pas voulu la mettre. Mais elle est dispo. Sachez-le, mais ne vous emballez pas, ce n’est pas Krause qui interprète Cole… Donc pour le coup, jouez en français pour avoir une voix qui est hors-norme.
Le reste est tout aussi vivant, même si c’est Cole qui crève les haut-parleurs. Les musiques sont elles assez entrainantes, mais ne nous crèvent pas forcément les tympans. Elle est plutôt discrète à côté du nombre incroyables d’explosions, des cris des gens ou des clameurs du public.
Ceci dit, le bruitage et la doublure sont tels que nous sommes en plein dedans. C’est réussi.

Tout le côté grisant du super héros

Le plus important de la problématique était là : faire ressentir nos qualités de super héros. Pour cela il fallait nous faire ressortir une certaine puissance. Et déjà avec la liberté de mouvements, ça permettait de s’y croire. Mais, il ne faut pas tomber dans la surenchère dès le départ pour autant. Respectons les codes du comic et tout jeune superhéros doit découvrir ses pouvoirs.
Et Cole va en récupérer des nouveaux à chaque fois qu’il remettra le courant dans une des zones de la ville car recevant une grosse dose d’énergie.
On va débuter avec un simple éclair, puis une boule d’énergie, puis un vent électrifié, une grenade, la capacité de faire des rides sur les rails et fils de téléphone, puis de planer, puis un bouclier et enfin… Apothéose totale : faire tomber la foudre en la dirigeant avec votre Sixaxis… Tout simplement orgasmique ! Orgasmique car votre pad vibre, l’écran est illuminé, explose de partout, les ennemis affluent toujours en surnombre pour se transformer en boucherie sauvage mais aussi très excitant car difficile.
Il faut toujours recharger ses batteries via toute forme d’énergie électrique (voitures, lampadaire, boitier d’alimentation, etc), et votre endurance est faible. Donc quand vous vous sortez de ce merdier, vous avez un sentiment de puissance bienvenue car la difficulté est plutôt bien équilibré avec des tendances au challenge évident où vous pouvez retourner des montagnes avec vos pouvoirs. C’est assez énorme.

De plus, le jeu est à 100% skillé, sans aucune aide à la visée, une difficulté qui croit où vous devez augmenter vos pouvoirs grâce à de l’exp emmagasiné, des monstres géants et même les boss n’imposent aucun QTE, excepté une épreuve de force à tapoter le bouton « X » tout en maintenant une direction. Pas d’assistance. C’est le secret de rendre le jeu extrêmement jouissif et pourtant le jeu est très maniable sans aucun problème.

Même si les missions sont très répétitifs et pas assez renouvelés (genre 5 fois la même mission en allant activer l’électricité dans les égouts et des missions secondaires trop semblables (protéger une escouade, désactiver des objets de surveillance, course sur les toits en temps limité), ils ont le mérite de nous faire prendre notre pied sur le moment.
Les différents challenges n’ont rien d’extraordinaire et sont même chiants avouons-le. Mais l’action proposé se renouvèle sans arrêt grâce à la difficulté croissante et cette capacité à s’approcher près de la vérité sur l’histoire. Du coup, on reste jusqu’au bout sans trop de problème. Et on ose même finir le jeu à 100% (mission secondaires complétés quoi) pour avoir tous les pouvoirs à fond. Le jeu est donc très attractif malgré une tendance à se répéter dans le fond, mais pas dans la forme.

Et justement, l’histoire parait très très conne. Mais pourtant se cache derrière tout ça toute la mythologie du superhéros où le pauvre type qui détestait sa vie « normale » se met à la regretter quand les pouvoirs lui insufflent une trop grosse responsabilité sur les épaules.
Il est utilisé, il a la responsabilité d’une ville qui l’acclame (ou qui le craint mais dans les deux cas, il reste le maitre des lieux), ses amis commencent à le regarder de travers car il est différent ou parce qu’il a gagné des pouvoirs là ou d’autres sont mort à cause de cette même explosion…
Il est constamment tiraillé par le ben ou le mal… Toute la quintessence du superhéros américaine est dans inFamous. Ce qui rend l’univers très très bien repensé et si vous n’avez pas trop cette culture du comics, le scénario ne vous prendra pas aux tripes de la même façon.
Au delà de ce fond de pensé, on a aussi un côté « rival » appuyé. Comme nous sommes au XXIème siècle, la vision du monde y est très fataliste, ce qui est justement une des visions les plus abordés en ce moment chez Marvel par exemple.
On applaudira un final assez bouleversant devant un tel fatalisme retranscrit à l’écran, pas parce que c’est bien mis en scène tel un MGS par exemple. Non parce qu’on vit notre vie de super héros, qu’on se crève le cul à vouloir sauver le monde et qu’au final… … … Ahem. Bref, le joueur est très impliqué dans son rôle de surhumain. Forcément, le scénario le touche plus durement, sans pour autant passer par des cinématiques hollywoodiennes mais d’un point de vue extérieure donc trop en recul par rapport au joueur.
Dans inFamous, les cinématiques sont narrés à la première personne, ce qui fait que même quand le joueur ne joue pas, il reste concerné avec ce « je » qu’il a contrôle pendant une grosse dizaine d’heures (missions principales + secondaires).

InFamous est maitrisé sur ce point.

InFamous se révèle donc être une formidable expérience bourrée d’adrénaline avec une mise en forme de pouvoirs uniques et particulièrement bien sentis avec une liberté de mouvements très grisante où l’on finit petit à petit se prendre pour un réel superhéros.
En s’identifiant autant grâce au plaisir coupable de ce gameplay parfaitement mis en place, le scénario simple à la base devient de plus en plus personnel. Est-ce innocent quand on se met à dire « merde pourquoi je me fais chier à chercher ce type ? » et que quelques heures plus tard, votreperso se met à penser exactement la même chose ? Rien n’est un hasard et il est évident que les créateurs ont bien pensé en faisant de Cole un monsieur tout le monde qui reprend conscience de ses possibilités qu’il serait identifié aisément par son joueur.
Justement, c’est ce qui rend le trip encore plus puissant.
Mais le jeu garde quand même des lacunes. D’une, d’ordre technique avec quelques bugs énervants et de deux, à cause de missions très répétitives où vous aurez envie, parfois d’arrêter.
Malgré ça, les atouts du jeu sont tels qu’on y revient… P’tet même pour voir les deux fins si vous avez ça dans le sang !